Réindustrialisation : le rôle clé des investisseurs
Réindustrialisation : le rôle clé des investisseurs
Comment les investisseurs peuvent-ils contribuer à accompagner les entreprises vers une réindustrialisation durable et compétitive ? Claire Mouchotte, analyste Durabilité chez Sycomore AM, et Olivier Lluansi, professeur au CNAM et titulaire de la chaire industrie décarbonée, explorent ce sujet dans ce nouvel épisode du Podcast 2030 – Investir Demain.

Lancé à la rentrée 2024 à l’initiative des médias ID, L’Info Durable et L’Agefi, le Think Tank « 2030, Investir Demain » a pour ambition de fédérer les acteurs financiers autour des grands enjeux de la finance durable.
À ce jour, l’initiative s’articule autour de six groupes de travail thématiques, chacun co-fondé avec un acteur reconnu pour son engagement en matière de durabilité. Pour accompagner ces travaux, une série de podcasts a été mise en place, chaque épisode étant consacré à l’un de ces groupes.
Dans ce nouveau numéro, les thématiques de la relocalisation et de la réindustrialisation sont mises à l’honneur à travers le groupe “(Re)localisation juste : un enjeu de compétitivité et de durabilité”, co-fondé par Sycomore AM.
Une thématique au cœur de l’actualité
Pensé comme un lieu de dialogue, le Podcast 2030 – Investir Demain croise les regards entre ceux qui financent la transition et ceux qui la mettent en œuvre au quotidien. Dans cet épisode, Claire Mouchotte, analyste Durabilité chez Sycomore AM, et Olivier Lluansi, professeur au CNAM, titulaire de la chaire industrie décarbonée et auteur de “Réindustrialiser, le défi d’une génération”, échangent sur les enjeux actuels de la relocalisation et de la réindustrialisation.
Si Sycomore a choisi de travailler sur le thème de la relocalisation, c’est parce que l’actualité y a fortement convergé ces dernières années : ruptures dans les chaînes d’approvisionnement liées au COVID, plans de relance européens, rapport Draghi sur la compétitivité de l’Europe, volontés de relocalisation de certains pays, mise en place de droits de douane et nouvelles réglementations, etc.
Autant de perturbations qui ont mis en lumière l’urgence de s’intéresser à la relocalisation, comme l’explique Claire Mouchotte : “cette tendance est non seulement au cœur de l’actualité, mais elle concentre aussi deux dimensions essentielles pour Sycomore AM : la compétitivité et la durabilité. Relocaliser ou réindustrialiser a de nombreux impacts pour les différentes parties prenantes. Nous souhaitons justement mieux comprendre ces impacts et voir comment engager un dialogue constructif avec les entreprises sur ce sujet.”
Trois prismes pour comprendre l’impact
Et le champ d’investissement est large puisque Sycomore s’intéresse à des entreprises de secteurs, tailles et géographies très variés. “Pour chacune d’entre elles, on va aborder le sujet sous trois angles, trois prismes que sont les “3 C”. D’abord, les collaborateurs, avec la question de leur développement. Ensuite, les consommateurs, à travers l’impact des produits et services sur leur qualité de vie. Et enfin, les communautés locales.”
Trois prismes qui soulèvent de nombreuses questions : où sont produits les biens vendus par l’entreprise ? Comment développe-t-elle les compétences nécessaires à sa stratégie ? Maîtrise-t-elle sa chaîne de valeur ? Où est-elle implantée ?
Pour y répondre, Claire Mouchotte souligne l’importance d’adopter une perspective plus large : “Il nous a semblé que les travaux de monsieur Lluansi sur la réindustrialisation pouvaient justement nous aider à mieux comprendre ce sujet, et, idéalement, à partager des bonnes pratiques avec les entreprises auprès desquelles nous intervenons.”
Changer de paradigme pour protéger la production
Dans cette perspective, Olivier Lluansi rappelle premièrement que l’industrie fait face à un changement de paradigme et doit réinventer son modèle, avec un focus particulier sur la production : “tant que la France et l’Europe resteront dans une concurrence ouverte, en laissant entrer des produits importés qui ne respectent pas les mêmes exigences sociales et environnementales, elles fragiliseront leur propre production. À un moment donné, il faudra changer de logique et passer à une concurrence loyale, avec un vrai principe de réciprocité : ne plus accepter sur le marché européen des produits qui ne respectent pas les règles imposées à nos producteurs.”
Redonner de l’attractivité aux métiers industriels
En outre, ce changement de paradigme passe également par la valorisation des métiers industriels, souvent en difficulté pour recruter. Toujours selon le professeur au CNAM : “l’industrie est encore trop souvent perçue comme un secteur pénible et sale. Or, elle a profondément changé depuis 40 ans. Pourtant, l’image que nous transmettons aux jeunes reste celle des années 70-80, alors que des investissements majeurs ont été faits pour réduire la pénibilité et l’impact environnemental. Il faut donc ouvrir les ateliers aux jeunes, aux enseignants et aux parents, pour leur montrer cette nouvelle réalité.”
Autre enjeu crucial : l’organisation du travail. Héritée du modèle mécaniste de la première révolution industrielle, l’industrie reste peu attractive, avec par exemple très peu de télétravail possible, malgré les attentes de conciliation entre vie professionnelle et vie privée. Face à ce constat, Olivier Lluansi appelle à un dialogue renforcé entre syndicats et patronat pour repenser ces organisations.